De nombreuses études sont menées auprès des détenus de la prison de Rémire-Montjoly. Elles permettent d’améliorer leur prise en charge mais nous éclairent aussi sur des problématiques de santé qui concernent toute la population.

Infections sexuellement transmissibles, tuberculose, hypertension artérielle, fièvre Q, addictions, troubles psychiatriques… Les détenus du centre pénitentiaire de Guyane (CPG) souffrent des mêmes problèmes de santé que l’ensemble de la population guyanaise. La prison de Rémire-Montjoly est le reflet des réalités épidémiologiques guyanaises.&nbsp;&nbsp;Dans un contexte de surpopulation carcérale, avec plus de 1&nbsp;000 détenus pour 614 places, la détention aggrave-t-elle leur état de santé&nbsp;? Au contraire, leur permet-elle d’améliorer leur santé grâce à la présence de professionnels de santé&nbsp;? Peuvent-ils améliorer l’état de santé des détenus&nbsp;? A leur sortie de prison, les détenus poursuivent-ils leurs soins&nbsp;? Ces dernières années, l’Unité de consultation et soins ambulatoires (Ucsa) a porté de nombreux travaux de recherche, sous l’impulsion des Dr Timothée Bonifay et Aude Lucarelli, pour trouver des réponses à ces interrogations. «&nbsp;Tous ces travaux nous apportent des pistes pour améliorer nos pratiques », se réjouit le Dr Bonifay. Elle éclaire aussi les acteurs et les autorités sanitaires.<figure class="image image_resized" style="width:595px;"><img src="/uploads/Salle_consultation_Ucsa_da62fc505f.jpg" alt="Salle consultation Ucsa.jpg"></figure><blockquote><h4>Salle de consultation&nbsp;</h4></blockquote>&nbsp;Ce n’est pas leur seul intérêt. Dans sa thèse de doctorat d’université, le Dr Florence Huber avait montré les difficultés pour les détenus vivant avec le VIH de poursuivre leur prise en charge à leur sortie de prison. Il convient donc de vérifier si c’est toujours le cas aujourd’hui et si d’autres pathologies (diabète, IST, troubles psychiatriques) rencontrent le même problème.&nbsp;La recherche en milieu carcéral, par définition un milieu fermé où les déplacements sont limités, permet aussi de mieux contrôler le contexte dans lequel est mené une recherche. Ce sera le cas, à partir de l’an prochain, d’une étude sur les zoonoses, les maladies transmises par les animaux (fièvre Q, leptospirose, dengue…). Plusieurs hypothèses pourront être vérifiées sur les animaux vecteurs de ces maladies ou les conditions atmosphériques qui favorisent leur propagation.&nbsp;La recherche en prison éclaire aussi sur ce qui se passe à l’extérieur, d’une façon forcément moins contrôlée. Il en va ainsi de la pose de dominos sur la verge, un phénomène ancré en milieu carcéral guyanais et qui tend à se répandre à l’extérieur.La santé mentale des détenus est également l’objet d’attention. Une étude sur 707 détenus de la prison de Rémire-Montjoly a révélé que 72% souffraient d’au moins un trouble psychiatrique, 20 % d’au moins trois&nbsp;; 15 % de stress post-traumatique&nbsp;; 40 % consommaient du cannabis et 8 % du crack.&nbsp;D’autres sujets de recherche sont en préparation. Récemment, 150 soignants ont répondu à un questionnaire sur leur représentation du milieu carcéral. Une étude sera menée sur le syndrome d’alpha-Gal, une allergie à la viande rouge potentiellement mortelle. L’université de la Sorbonne a lancé un appel pour la rédaction d’une thèse «&nbsp;Prendre soin en prison&nbsp;: entre contraintes et recherche d’autonomie&nbsp;». La doctorante en philosophie retenue, infirmière de profession, traitera du cas de la Guyane. Le Dr Bonifay a entamé une collaboration avec une géographe et un anthropologue de Lyon (Rhône) sur les risques sociaux et sanitaires dans les prisons ultramarines. Autant de travaux qui seront utiles au-delà des murs de la prison de Rémire-Montjoly.

Les professionnels de santé intervenant au centre pénitentiaire guyanais (CPG) sont tous rattachés au Centre Hospitalier de Cayenne. L’équipe permanente de l’unité de consultation et soins ambulatoires (Ucsa) est composée, en équivalents temps plein, de 2,7 médecins, 8 infirmiers, 1 auxiliaire de services hospitaliers, 1,5 secrétaire, 0,5 cadre infirmier, 0,4 préparatrice en pharmacie. D’autre professionnels médicaux et paramédicaux interviennent dans les soins de façon régulière :- Dentiste et assistant dentiste, masseur-kinésithérapeute, orthoptiste, opticien, manipulateurs radio.- Spécialités médicales : infectiologie, dermatologie, endocrinologie, orthopédie, neurologie.<figure class="image image_resized" style="width:502px;"><img src="/uploads/Ucsa_OK_d38cbe16ed.jpg" alt="Ucsa OK.jpg"></figure><blockquote><h4>Une partie de l'équipe de l'Ucsa.</h4></blockquote>&nbsp;L’Ucsa accueille 2 000 patients différents par an, dont 800 à 1 000 nouveaux détenus.Les différentes missions des professionnels de santé sont :- Une visite médicale d’entrée obligatoire ou sont réalisés les dépistages organisés, dépistage des IST, mise à jour du carnet vaccinal, prise en charge des pathologies chroniques, bilan dentaire et dépistage de la tuberculose.- Soins programmés : suivi de diabète, hypertension artérielle, VIH, épilepsie, etc.- Urgences et consultations non programmées.- Consultations spécialisées.- Éducation thérapeutique, prévention et éducation.- Visite du quartier disciplinaire.- Distribution des médicaments en quartier, tri du courrier et gestion des appels.&nbsp;La visite médicale d’entrée (VME) est l’occasion de faire le point sur l’état de santé de personnes qui n’ont pas vu de médecins depuis parfois plusieurs années (facteurs de risque cardiovasculaires, état buccodentaire, affections cutanées). Les personnes incarcérées se voient toutes prescrire une radiographie pulmonaire à la recherche d’une tuberculose maladie (…) Une visite médicale de rendu du bilan d’entrée est programmée en cas de résultats positifs pour dispenser le traitement des infections curables par antibiothérapie. Il s’agit d’un moment privilégié pour évaluer les connaissances et délivrer des messages de prévention.&nbsp;<figure class="image image_resized" style="width:661px;"><img src="/uploads/UFPI_CATTPI_3ba10f60d9.jpg" alt="UFPI CATTPI.jpg"></figure><blockquote><h4 style="text-align:justify;">Les équipes de l’unité fonctionnelle de psychiatrie intracarcérale (Ufpi) et du centre d’accueil thérapeutique&nbsp;à temps partiel (CATTPI) en 2021.</h4></blockquote>&nbsp;

<img class="image_resized image-style-align-left" style="width:273px;" src="/uploads/Portrait_Dr_Bonifay_0bdef7e421.png" alt="Portrait Dr Bonifay.png">En 2010, la présence d’hirondelles nichant par milliers à la prison de Rémire-Montjoly avait marqué les esprits et fait les gros titres de la presse. On parle aujourd’hui de 15&nbsp;000 à 25&nbsp;000 oiseaux. De manière concomitante, des médecins de l’hôpital de Cayenne avaient décrit un grand nombre de cas de fièvre Q chez des détenus, dans <a href="https://doi.org/10.1590/S1678-9946202264042">un article</a> dans la revue de l’Institut de médecine tropicale de Sao Paulo. Cette colonie d’hirondelles continue de générer beaucoup d’inquiétude autour du risque sanitaire. «&nbsp;Il est admis par les personnes travaillant sur site que les hirondelles sont à risque de transmission de la fièvre Q et probablement d’autres pathogènes, sans que cela soit prouvé scientifiquement&nbsp;», souligne le Dr Timothée Bonifay, médecin à l’unité de soins en milieu pénitentiaire. En 2025 doit débuter l’étude Caryana afin d’évaluer le risque d’infections zoonotiques (transmises par les animaux) en milieu carcéral, principalement la fièvre Q, la leptospirose, la maladie de Chagas, l’histoplasmose et la toxoplasmose.&nbsp;&nbsp;Ce travail qui durera deux ans permettra de vérifier combien de personnes détenues sont déjà infectées à leur arrivée en détention, de rechercher les facteurs de risque d’être infecté que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur de la prison, d’analyser les résultats en fonction des données bioclimatiques (vents, hygrométrie, pluviométrie, température), de proposer des hypothèses sur le mode de contamination en prison et des mesures de prévention.&nbsp;«&nbsp;Les zoonoses sont un enjeu de santé majeur en Guyane, rappelle le Dr Bonifay. Ces infections sont à l’origine d’un grand nombre d’hospitalisations et décès, au cours d’épidémies (leptospirose par exemple) mais aussi en pratique courante. La fièvre Q représente 30% des hospitalisations pour pneumopathies sur le territoire. Bien qu’étant supposé être coupé du milieu extérieur, le centre pénitentiaire guyanais ne semble pas épargné par ces zoonoses.&nbsp;»&nbsp;«&nbsp;L’intérêt d’étudier ces infections au CPG, c’est que l’on maîtrise notre environnement&nbsp;», poursuit le médecin. Avec des détenus, il est plus facile qu’avec le reste de la population de savoir à quelles conditions climatiques ils ont été exposés ou à quel moment ils ont été infectés en réalisant des dépistages réguliers, possiblement tous les quatre mois. Une fois ces connaissances établies, «&nbsp;il sera plus facile de reproduire l’étude dans d’autres lieux&nbsp;».&nbsp;Pour réaliser cette vaste enquête, les professionnels de santé intervenant au CPG se sont associés à d’autres chercheurs&nbsp;: laboratoire de parasitologie du CHC dirigé par le Pr Magali Pierre-Demar, Université de Guyane, infectiologues du CHC, École normale supérieure de Lyon qui s’intéresse aux conditions de vie en détention et aux risques sanitaires, chercheurs brésiliens s’intéressant aux factions… Cette étude permettra d’objectiver le risque, de mettre en place des actions en fonction des résultats obtenus, de sensibiliser le personnel pénitentiaire et les autorités compétentes, d’améliorer les conditions sanitaires et de vie des détenus.&nbsp;&nbsp;

À la prison de Rémire-Montjoly, le VIH est surveillé depuis de nombreuses années et bénéficie de l’expertise du Dr Aude Lucarelli, coordinatrice du Corevih Guyane et praticien au sein de l’Unité de soins en milieu pénitentiaire. Alors que la Guyane est en situation épidémique, les détenus vivant avec le VIH cumulent plus de difficultés psychosociales que les personnes vivant avec le VIH (PvVIH) non incarcérés et plus de comorbidités que les détenus non infectés par le VIH. En 2020, le Dr Florence Huber a consacré sa thèse de doctorat d’université à ce sujet. Cette année, Adèle Singland a soutenu sa thèse de médecine sur le même thème.&nbsp;&nbsp;Ce travail confirme l’intérêt de la prise en charge en prison. Un quart des 95 détenus vivant avec le VIH incarcérés entre 2017 et 2022 avaient interrompu leur suivi avant leur incarcération. Celui-ci a redémarré derrière les barreaux. Cette prise en charge se révèle efficace&nbsp;: «&nbsp;Les critères virologiques étaient meilleurs à la sortie qu’à l’entrée&nbsp;», constate Adèle Singland. Pour 86 %, les charges virales au moment de leur remise en liberté étaient indétectables. C’est-à-dire qu’ils ne pouvaient plus transmettre le virus. Le centre pénitentiaire de Guyane se rapproche des objectifs de l’Organisation mondiale de la santé&nbsp;: diagnostiquer 95 % des séropositifs, fournir un traitement antirétroviral à 95 % d’entre eux et que 95 % soient en succès thérapeutique. «&nbsp;Avec le temps, l’épidémie semble être mieux dépistée et mieux traitée dans le milieu carcéral.&nbsp;»&nbsp;La prison est aussi une entrée dans le parcours de soin. Sur les 28 détenus diagnostiqués entre 2017 et 2022, la moitié a reçu son diagnostic en prison. «&nbsp;En plus du dépistage, l’incarcération semble jouer un rôle bénéfique pour la prise en charge de l’infection&nbsp;», poursuit Adèle Singland. Un quart des détenus ont reçu leur premier traitement antirétroviral en prison. Si le détenu arrêtait son traitement, il était plus facile de lui fournir une nouvelle prescription. «&nbsp;L’incarcération a ainsi permis une reprise des traitements après une rupture thérapeutique à 20% des PVVIH ayant déjà reçu des antirétroviraux.&nbsp;»&nbsp;L’étude a toutefois mis en lumière des difficultés à la sortie de prison. Parmi les 61 personnes ayant recouvré leur liberté pendant l’étude, près de deux sur cinq (39 %) n’ont pas continué leur suivi à l’extérieur. La moitié de celles qui l’ont poursuivi ont mis plus d’un mois et demi avant de retourner chez un médecin, alors qu’à leur sortie, elles n’avaient que dix jours de traitement. Pour améliorer ces résultats, les Dr Timothée Bonifay et Aude Lucarelli ont construit une feuille de route santé sexuelle et reproductive (SSR) et VIH au CPG.&nbsp;

La surpopulation carcérale a un impact sur la qualité des dépistages proposés aux détenus. Ce qui peut être aisément supposé est confirmé dans la thèse de médecine de Stella Denoël, soutenue en janvier 2023. Pour ce travail, elle a étudié les résultats d’examen des 4 137 personnes ayant bénéficié d’un dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) à leur entrée en prison, entre 2013 et 2020.&nbsp;En 2013 et 2014, quand le nombre annuel d’entrées en prison avoisinait les 700, le bilan d’entrée était réalisé en deux semaines. Désormais, avec plus de 1 000 entrées par an, il faut compter un mois. Plus il y a de détenus, plus il est difficile de dépister tout le monde. «&nbsp;Ainsi, pour un taux d’occupation de 100% (2020), le taux de dépistage à l’entrée était de 71,1% contre 44,5% en 2017 pour un taux d’occupation proche de 150%.&nbsp;»&nbsp;Les prévalences moyennes des IST à l’entrée en prison étaient de&nbsp;:<ul><li style="text-align:justify;">3,1 % pour le VIH&nbsp;;</li><li style="text-align:justify;">2,1 % pour l’hépatite B&nbsp;;</li><li style="text-align:justify;">0,4 % pour l’hépatite C&nbsp;;</li><li style="text-align:justify;">0,7 % pour la syphilis&nbsp;;</li><li style="text-align:justify;">0,8 % pour le gonocoque&nbsp;;</li><li style="text-align:justify;">8,3 % pour la chlamydia.</li></ul>&nbsp;Pour faciliter le dépistage, les visites médicales et les bilans d’entrée se font directement au quartier arrivant, depuis mai 2022. Avec succès&nbsp;: les délais de réalisation des dépistages ont été réduits. «&nbsp;L’utilisation de tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) pourrait faciliter le dépistage des détenus sans notion de prise de risque récente et avec un séjour carcéral court prévisible&nbsp;», suggère Stella Denoël. La pertinence de cette technique est en discussion avec les biologistes du Centre Hospitalier de Cayenne.

En octobre 2023 a démarré la première campagne de vaccination anti-HPV proposé gratuitement aux collégiens de cinquième. Les soignants intervenant au centre pénitentiaire de Guyane (CPG) ont voulu savoir si ce vaccin était accepté par les détenus en âge d’être vaccinés (de 11 à 14 ans pour garçons et filles&nbsp;; en rattrapage jusqu’à 19 ans et jusqu’à 26 ans pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). Au total, le Dr Guillaume Terrentroy a interrogé 33 détenus hommes de 18 et 19 ans.&nbsp;Près des trois quarts (72 %) n’avaient jamais entendu parler du HPV, le papillomavirus humain à l’origine d’environ 6 400 cancers et 1&nbsp;100 décès en France chaque année. Les trois quarts (73 %) n’avaient jamais réalisé de dépistage des IST avant leur incarcération alors que tous avaient une vie sexuelle active. Pour rappel, la vaccination permet de réduire de 90 % le risque de cancer lié au HPV.&nbsp;Les 33 détenus étaient vaccinés contre la fièvre jaune mais seuls 27 étaient à jour des vaccinations obligatoires. Un rattrapage systématique est proposé à leur entrée en milieu carcéral, qu’ils peuvent refuser. Aucun n’était vacciné contre le HPV. Dix-neuf l’ont accepté et quatorze l’ont refusé. Les motifs d’acceptation et de refus sont décrits dans les tableaux ci-contre.<figure class="image"><img src="/uploads/Acceptation_HPV_1f74e13a59.PNG" alt="Acceptation HPV.PNG"></figure><figure class="image"><img src="/uploads/Refus_HPV_3c3c1ce6c1.PNG" alt="Refus HPV.PNG"></figure>

Dans la littérature scientifique, on les appelle «&nbsp;nodules péniens artificiels&nbsp;» (NPA). En Guyane, on les connaît mieux sous les termes de «&nbsp;dominos&nbsp;» ou «&nbsp;bouglou&nbsp;». Ce phénomène ancien – au VIe siècle, le Kama Sutra suggère des pratiques similaires – est de plus en plus courant au centre pénitentiaire de Guyane. Jérémy Vergez a soutenu sa thèse sur le sujet en mars et en a présenté les résultats aux Journées des soignants fin mai.&nbsp;&nbsp;En juin 2023, il a fait distribuer à l’ensemble des détenus hommes un questionnaire auquel 132 ont répondu. Il leur a demandé combien en portaient, leur nombre, leur taille, les éventuelles complications… Au total, 69 % des répondants en portaient&nbsp;; 29 % ont déclaré des complications, essentiellement des douleurs et/ou saignements et 39 % ont indiqué que leur partenaire s’était plainte de douleur.<figure class="image image_resized" style="width:423px;"><img src="/uploads/dominos_81d28db157.jpg" alt="dominos.jpg"></figure><blockquote>Exemples de dominos retrouvés à la prison.</blockquote>&nbsp;Presque tous (92 %) les ont installés en prison et la moitié d’entre eux avant leurs 20 ans. «&nbsp;Quasiment tous les détenus (92 %) ont utilisé un couvercle de boîte de sardines pour inciser la peau.&nbsp;» La plupart (87 %) ont désinfecté à la Bétadine. Plus des deux tiers (70 %) ont affirmé respecter un régime alimentaire (moins de viande de porc et de produits laitiers, qu’ils jugent sources d’inflammation ou d’infection).&nbsp;Pour justifier cette pratique, 60 % des détenus disent vouloir augmenter le plaisir sexuel de leur partenaire (60 %)&nbsp;; mais 5 % déclarent aussi l’avoir fait pour faire mal aux femmes ou se venger. Près d’un sur trois (29 %) a déclaré des complications après la pose (douleurs, saignements, infection, trouble de l’érection…), souvent dans la semaine suivante. Et quatre sur cinq disaient avoir reçu des antibiotiques pour les traiter, mais aussi désinfectant ou antidouleur. Voire les ont retirés.&nbsp;«&nbsp;Le phénomène semble toucher une population de plus en plus jeune et se pratiquer plus fréquemment sur le territoire guyanais, ce qui pourrait motiver la réalisation d’ateliers de prévention sur le sujet pour informer sur les facteurs de risques, conclut Jérémy Vergez (…) Les&nbsp;résultats nous laissent à penser que ce phénomène ancré dans le milieu carcéral guyanais, comme un rite initiatique, tend à se répandre à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire. Cette situation pousse à nous interroger et nous amener à produire des actions de prévention chez des jeunes exempts de connaissance sur le sujet, afin de leur éviter de s’approprier la pratique de manière informelle.&nbsp;»&nbsp;&nbsp;<img src="/uploads/Pose_dominos_prison_c172c44d9f.PNG" alt="Pose dominos prison.PNG">

De nombreux facteurs peuvent déséquilibrer le diabète au quotidien. Il convient de s’assurer que la détention ne vient pas ajouter de nouveaux risques. Karine Hofman, infirmière au Centre Hospitalier de Cayenne, a rédigé l’an dernier son mémoire de diplôme universitaire (DU) en diabétologie sur ce sujet. L’objectif était de «&nbsp;cibler les points à corriger et de faire des propositions d’amélioration.&nbsp;»&nbsp;Le diabète touche environ 3 % des détenus de Rémire-Montjoly. «&nbsp;Les personnes diabétiques insulinées reçoivent à leur entrée soit leur propre matériel soit un « kit diabétique » avec leur stylo à insuline, un glucomètre, du coton, des bandelettes, des aiguilles, un carnet d’auto-surveillance glycémique (ASG) et un conteneur (pour les déchets), décrit-elle.&nbsp; Au début de leur incarcération, elles sont vues tous les jours par le personnel soignant au quartier des arrivants. Ensuite, si elles sont stables, elles sont vues dans le service une fois par semaine et si la personne n’est pas autonome, elle peut être vue quotidiennement. Pour les personnes diabétiques non insulinées, elles reçoivent leur traitement de façon hebdomadaire dans leur quartier.&nbsp;» Depuis septembre 2022, le Dr Nadia Sabbah, cheffe de service d’endocrinologie-diabétologie au CHC, assure des consultations une fois par mois.&nbsp;Karine Hofman a suivi 52 détenus diabétiques entre 2020 et 2022. Alors que l’incarcération pourrait être «&nbsp;un moment propice à la reprise en mains de la maladie et un tremplin pour la suite de la vie du détenu en dehors des murs&nbsp;», elle constate que «&nbsp;le temps d’incarcération est source de déséquilibre du diabète (…) L’étude montre qu’il pourrait être intéressant d’adjoindre aux soins un programme d’éducation thérapeutique du patient.&nbsp;» Le Dr Timothée Bonifay note également que «&nbsp;si l’accès aux soins est correct en détention, il y a des difficultés à réaliser certains bilans dès lors que cela se déroule hors de la prison&nbsp;». La mise en place récente de consultations d’orthoptiste au CPG est ainsi jugée comme «&nbsp;une avancée mais reste insuffisante&nbsp;».&nbsp;Ces travaux, qui ont dressé l’état des lieux du diabète au CPG, se poursuivent. Le Dr Brahim s’intéresse aux détenus diabétiques qui bénéficient des consultations mises en place depuis septembre 2022, afin d’en mesurer l’efficacité. Le Dr Marie Daniel, qui intervient à l’UCSA depuis 2019, a débuté pour sa part une étude sur l’alimentation des détenus diabétiques afin de vérifier leurs connaissances, leurs attitudes et leurs pratiques sur ce sujet.

Dans le monde, la quasi-totalité des études ont montré que la détention favorise la prise de poids&nbsp;: en moyenne + 5,3 kg après deux ans d’incarcération. Pauline Oury, interne de médecine, rédige actuellement sa thèse sur les facteurs associés à une prise de poids chez les femmes incarcérées à Rémire-Montjoly. Pour cela, elle compare leur poids à l’entrée et à la sortie de prison et suit son évolution au cours de la détention. En début d’année, elle a invité les participantes à répondre à un questionnaire sur leur activité physique en détention, la quantité et la qualité de leur sommeil, leurs habitudes alimentaires, le nombre de codétenues en cellule, la présence ou non d’un entourage en et hors de la prison, l’accès au parloir et au téléphone, l’activité professionnelle en prison… Les réponses pourraient éclairer les facteurs qui favorisent la prise de poids et donc ceux qui la limitent.&nbsp;Ce sujet est important en Guyane, où le surpoids touche 51 % de la population, entraînant avec lui son lot de complications&nbsp;: augmentation des maladies cardiovasculaires, du diabète, des troubles musculosquelettiques et de certains cancers. Cette étude permettra d’évaluer les besoins en matière de prévention, de traitement du surpoids et de l’obésité chez les femmes incarcérées, et de documenter les changements de poids pendant l'incarcération. Identifier des facteurs liés à la prise de poids pendant l'incarcération pourrait permettre de détecter les femmes les plus à risque, afin de mettre en place des interventions spécifiques pour cette population : mesures préventives, programmes alimentaires ciblés, activités physiques adaptées, éducation à la santé…

<img class="image_resized image-style-align-left" style="width:174px;" src="/uploads/Portrait_Dr_Niaux_1_bb3648ea1c.png" alt="Portrait Dr Niaux(1).png">La tuberculose offre un exemple éclairant des problèmes de santé liés à l’incarcération. Avec Mayotte et la Région parisienne, la Guyane est une des régions françaises la plus touchée&nbsp;: nous enregistrons trois fois plus de cas que la moyenne nationale. Ce n’est pas une surprise puisque la précarité, le fait que de nombreuses personnes sont originaires de pays où la maladie est endémique et l’importance du VIH sont favorables à la circulation de la tuberculose. La prison augmente le risque en raison de la promiscuité, du manque d’aération et du manque d’installations sanitaires. Dans un article paru fin mars dans <a href="https://doi.org/10.1080/17441692.2024.2332969">Global Public Health</a>, le Dr Moïse Niaux et ses collègues décrivent la survenue de tuberculose en prison ou après l’incarcération et identifient les facteurs de risque.&nbsp;Pour cela, ils ont étudié les 36 cas enregistrés en prison entre le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2020 ou dans les deux ans suivant la libération. La quasi-totalité (20/22) des cas diagnostiqués en prison l’ont été lors du dépistage systématique à l’entrée. «&nbsp;Ceci confirme l’efficacité du dépistage précoce et suggère la nécessité d’un isolement préventif précoce en cas de suspicion de tuberculose, afin de limiter la contamination&nbsp;», souligne le Dr Niaux.&nbsp;&nbsp;Le contrôle des détenus proches des cas de tuberculose n’a révélé qu’un seul cas pendant toute cette période. «&nbsp;A première vue, il ne semble pas y avoir de circulation active de la tuberculose en prison&nbsp;», relève le médecin. Mais les quatorze cas survenus dans les deux ans suivant la libération posent questions. Deux hypothèses peuvent être envisagées&nbsp;:<ul><li style="text-align:justify;">Le patient a déclaré la maladie pendant son incarcération mais n’a pas été contrôlé&nbsp;;</li><li style="text-align:justify;">Le patient était porteur d’une infection tuberculeuse latente (ITL) acquise avant ou pendant l’incarcération et a déclaré une tuberculose à sa sortie de prison, qui est une période de stress (absence de travail, de logement, isolement…).</li></ul>&nbsp;Forts de ce résultat, les médecins de l’unité de soins en milieu pénitentiaire et du centre antituberculeux de la Croix-Rouge française envisagent de modifier le suivi des détenus. Une piste envisagée est celle d’un «&nbsp;dépistage systématique des ITL à l’entrée associé à un dépistage radiologique et clinique annuel, et un suivi renforcé à la sortie&nbsp;».&nbsp;&nbsp;