Le Dr Najeh Hcini, rattaché au CIC 1424 Inserm, a soutenu sa thèse de doctorat d’université sur les infections pendant la grossesse. Les recherches menées en Guyane sont étudiées dans le monde entier.

Aujourd’hui, le moustique tigre est installé dans les trois quarts de l’Hexagone, faisant peser le risque d’infection comme la dengue, le zika ou le chikungunya. Les infections sexuellement transmissibles sont très communes et de nouvelles épidémies surviennent régulièrement. Lorsqu’elles sont contractées pendant la grossesse, ces infections font peser un risque sur la mère et son bébé. S’il est un territoire devenu expert sur le sujet, c’est la Guyane. Fin décembre, le Dr Najeh Hcini, chef de service de gynécologie-obstétrique au Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais (Chog) et dont le laboratoire d’accueil est le CIC 1424 Inserm de l’hôpital de Cayenne, a soutenu sa thèse de doctorat d’université sur les conséquences des infections sur les femmes enceintes et leurs bébés dans le bassin du Maroni.&nbsp;&nbsp;&nbsp;«&nbsp;Le Dr Carles (son prédécesseur à la tête du service) a créé un intérêt pour les infections et la grossesse, que nous avons continué de développer&nbsp;», relate le Dr Hcini. En 2018, les deux médecins et leurs confrères se font remarquer avec une <a href="https://doi.org/10.1136/bmj.k4431">étude sur la transmission materno-fœtale</a> (de la femme enceinte vers son bébé) du zika. &nbsp;En 2020, au tout début de l’épidémie de Covid-19, il est le premier avec ses collègues à proposer une <a href="https://doi.org/10.1016/j.ejogrb.2020.11.068 ">étude comparative entre les parturientes infectées par le Sars-CoV-2 et les autres</a>. Leurs conclusions sont lues dans le monde entier.&nbsp;<figure class="image"><img src="/uploads/Tableau_des_risques_9b6952ec72.jpg" alt="Tableau des risques "></figure><blockquote><h4>Tableau des risques liés à 8 types d'infections pendant la grossesse : complications maternels sévères, malformations, fausses couches, enfants morts-nés, accouchements prématurés, infections néonatales sévères, altérations du neurodéveloppement et neurosensorielle néonatales, retard du neurodéveloppement à long terme.</h4></blockquote>&nbsp;«&nbsp;Je suis invité aux 25es Journées nationales d’infectiologie pour parler «&nbsp;Grossesse et arboviroses : un risque sous-estimé&nbsp;» car ces pathologies sont devenues plus fréquentes dans les services. Cela permet aux équipes guyanaises de gagner en visibilité&nbsp;», se réjouit-il. D’autant que l’exemple guyanais est encourageant&nbsp;: «&nbsp;Avant, nous ne pouvions essentiellement que constater (l’impact de l’infection sur la femme enceinte et son bébé). Les progrès récents ont été réalisés dans la prise en charge des pathologies infectieuses pendant la grossesse&nbsp;: réduction de la transmission au bébé, traitement de l’infection, réduction des séquelles de la transmission.&nbsp;Sur la syphilis, nous avons essayé d’apporter des nouveaux éléments dans la prise en charge de cette pathologie, qui était très peu décrite jusque-là. Cela permet de mieux soigner les patientes guyanaises et ailleurs dans le monde&nbsp;», conclut le Dr Hcini. Il participe d’ailleurs comme expert à la rédaction des recommandations nationales sur le sujet.&nbsp;&nbsp;

Cette soutenance est une étape indispensable pour embrasser une carrière universitaire. «&nbsp;La recherche frémit à Saint-Laurent du Maroni. Cela rappelle Cayenne il y a vingt ans. Le fait que le Dr Najeh Hcini devienne universitaire sera majeur&nbsp;», saluait le Pr Mathieu Nacher, chef de service du Département Recherche Innovation Santé Publique (DRISP) au CHC, début février.&nbsp;La maternité de Saint-Laurent du Maroni, qui a réalisé près de 3 500 accouchements l’an dernier, compte 13 gynécologues-obstétriciens. Avec huit internes actuellement, elle est un des services les plus demandés du territoire. «&nbsp;Nous n’en avions jamais eu autant, se réjouit le Dr Hcini. Ce sont des personnes qui ensuite vont peut-être s’installer en Guyane.&nbsp;» Depuis novembre, le service accueille son premier docteur junior, dernière étape des études de médecine. Le Chog est devenu site d’examen pour le diplôme interuniversitaire (DIU) d’échographie gynécologique et obstétricale de l’université Paris Cité. Cela permet à des gynécologues-obstétriciens, étudiants et sages-femmes du territoire de suivre la formation à distance et de passer l’examen en Guyane.&nbsp;«&nbsp;La Guyane est un terrain unique d’apprentissage. C’est un terrain propice à la recherche, qui permet d’étudier des pathologies qui touchent 90 % de la population mondiale&nbsp;», insiste le Dr Hcini.

Le Dr&nbsp;Najeh Hcini a suivi sa formation initiale de chirurgie gynécologique et obstétricale en Tunisie. Arrivé en France en 2013, il a travaillé dans les hôpitaux de Versailles et Poissy - Saint-Germain (Yvelines). Un ami lui suggère de s’intéresser à la Guyane, après avoir rencontré le Dr Gabriel Carles, alors chef du service de gynécologie-obstétrique au Chog. «&nbsp;Je me suis dit que ça me permettrait de voir autre chose.&nbsp;»&nbsp;Il passe le concours de praticien hospitalier, suit des masters, monte le service de chirurgie gynécologique, puis succède au Dr Carles. En novembre 2021, celui que les habitants du Maroni surnomment affectueusement «&nbsp;Bigi Datra&nbsp;», le grand docteur, saluait en Najeh Hcini quelqu’un de «&nbsp;brillant. C’est normal de lui passer la main.&nbsp;» Ce dernier lui retourne le compliment&nbsp;: «&nbsp;Le Dr Carles a souvent dû faire sa recherche seul parce qu’il n’y avait pas les mêmes moyens de communication. Mais grâce à ses travaux, nous sommes reconnus aujourd’hui.&nbsp;»&nbsp;Le sujet des infections pendant la grossesse s’est imposé au Dr Hcini pour sa thèse de doctorat d’université. «&nbsp;Je suis surtout connu comme chirurgien (…) mais je voulais faire de la recherche sur ce que je vois dans ma pratique. J’ai fait de la recherche sur la syphilis parce que je vois de la syphilis&nbsp;; sur le zika parce que je vois du zika&nbsp;; sur la dengue parce que je vois de la dengue.&nbsp;»&nbsp;Outre les congrès internationaux, ce parcours l’amène à intervenir de plus en plus devant les étudiants en médecine et en santé de Guyane, mais aussi dans le cadre de formations pour les autres professionnels de santé de Guyane. Il espère obtenir dès l’an prochain le statut de maître de conférences des universités – praticien hospitalier (MCU-PH), puis décrocher son habilitation à diriger des recherches (HDR) et, si possible, devenir rapidement professeur des universités – praticien hospitalier (PU-PH).&nbsp;&nbsp;