En Amérique latine et dans la Caraïbe, de nombreuses espèces sont porteuses de la bactérie à l’origine de la fièvre Q. Mais il reste très difficile de dire lesquelles sont à l’origine de la transmission à l’homme. Des chercheurs, notamment de l’hôpital de Cayenne, ont relu tous les articles parlant de la présence de la bactérie chez des animaux dans 47 pays de la région. Ils viennent de publier leurs résultats.

En Guyane, la fièvre Q recèle encore de nombreux mystères&nbsp;: Pourquoi sommes-nous le territoire le plus touché au monde&nbsp;? Quels sont les animaux qui transmettent le plus la bactérie Coxiella burnetii, responsable de la maladie&nbsp;? Pourquoi ne circule-t-il qu’une souche de cette bactérie en Guyane et pourquoi n’a-t-elle jamais été repérée ailleurs dans le monde&nbsp;? Pourquoi cette maladie, qui provoque surtout fièvre, malaise, maux de tête, douleurs musculaires, nausées, vomissement, diarrhée pendant une à deux semaines, est-elle à l’origine, en Guyane, d’un nombre record d’infections pulmonaires&nbsp;?&nbsp;Il y a un an, le Dr Gilbert J Kersh, spécialiste américain des maladies transmises par les animaux, avait qualifié l’histoire de la fièvre Q en Guyane de «&nbsp;fascinante&nbsp;». Fascinante… et intrigante donc&nbsp;! Pour tenter de mieux comprendre, des chercheurs de l’hôpital de Cayenne, de l’Institut Pasteur de Guyane, de l’Université de Guyane et de celle de Montpellier, de l’Armée, de la Direction générale des territoires et de la mer, du Brésil, d’Argentine et du Chili ont relu tous les articles scientifiques parlant de la présence de la bactérie chez des animaux, en Amérique latine et dans la Caraïbe, depuis 1950. Ils en ont trouvé 113. Près de la moitié ont été publiés au Brésil (51) et beaucoup d’autres en Guyane (21) et en Colombie (16). Leurs résultats ont été publiés mi-juin dans une revue scientifique.&nbsp;<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40475-023-00288-7">https://link.springer.com/article/10.1007/s40475-023-00288-7</a>&nbsp;<img class="image_resized image-style-align-left" style="width:315px;" src="/uploads/fievre_Q_epelboin_4_d50a62ccde.jpg" alt="fievre Q epelboin (4).jpg">De nombreux animaux en sont porteurs de la bactérie, sans être malades&nbsp;: le bétail – principale source de transmission dans de nombreux pays, mais pas en Guyane –, les animaux de compagnie (chats et chien), les tiques (qui semblent pouvoir être écartées comme transmetteur de la bactérie) et la faune sauvage&nbsp;: maïpouri, rongeurs, chauves-souris, paresseux à trois doigts, tatous, pécari, cabiaï... Mais la liste des espèces qui ont été testées sans trace de la bactérie est encore plus longue&nbsp;!&nbsp;Tous ces articles montrent que le niveau d’infection des animaux est très variable d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre. Au Brésil, aucun bovin n’a été retrouvé contaminé dans le Mato Grosso du Sud, mais un sur trois près de Rio de Janeiro. Des chats ont été retrouvés porteurs de la bactérie en Argentine et au Brésil, mais pas en Guyane.&nbsp;Cette étude ne résout pas tous les mystères de la fièvre Q. Elle montre qu’il faut poursuivre et étendre la recherche&nbsp;: 22 des 47 pays d’Amérique latine et de la Caraïbe n’ont jamais rien publié sur la présence de la bactérie chez des animaux. Dans le monde, certains pays avec des conditions proches de la Guyane n’ont même jamais décrit de cas de fièvre Q. «&nbsp;Il est donc urgent de réaliser des études sur l'infection par (la bactérie) C. burnetii chez les animaux en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi que chez l'homme, afin de mieux comprendre la dynamique de cette infection dans la région néotropicale&nbsp;», concluent les auteurs. Une de leurs hypothèses, qui reste à démontrer, serait que la faune sauvage explique pourquoi la bactérie est si présente dans de nombreux pays et mais que les principales contaminations humaines se font par les animaux domestiques.&nbsp;&nbsp;

De gauche à droite : Alizée Picaud (doctorante Institut Pasteur), Benoît de Thoisy (Institut Pasteur) et Loïc Epelboin (CHC)