Le Dr Ariane Roujansky a débuté, en juin 2023, le projet de recherche ICMC. Pendant six mois, il est proposé aux patients à qui il est posé un cathéter veineux central de suivre l’évolution de leur microbiote cutané pendant la durée des soins. L’objectif est de repérer si ces soins vont le modifier et, ce faisant, peut-être augmenter le risque d’infection. De premiers résultats sont attendus l’année prochaine.

Depuis quelques années, les scientifiques ont pris conscience de l’importance du microbiote. Il s’agit de «&nbsp;l’ensemble des micro-organismes – bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes, dits commensaux – qui vivent dans un environnement spécifique. Dans l’organisme, il existe différents microbiotes : au niveau de la peau, de la bouche, du vagin, des poumons…&nbsp;», explique l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Les chercheurs essaient désormais de comprendre les liens entre ses déséquilibres et certaines pathologies.&nbsp;Au service de réanimation de l’hôpital de Cayenne, le Dr Ariane Roujansky veut savoir si les soins apportés aux patients modifient le microbiote de la peau et, ce faisant, augmentent le risque d’infection. Ce sera le sujet de sa thèse de science, grâce à laquelle elle pourra prétendre au titre de professeur. Elle étudie donc l’évolution du microbiote chez les patients à qui l’on a posé un cathéter veineux central, ce petit tube mis dans une grosse veine pour administrer un traitement au patient. Il s’agit du projet de recherche ICMC (Infections liées au cathéter et microbiote cutané), qui a démarré en juin.&nbsp;<img class="image_resized image-style-align-left" style="width:243px;" src="/uploads/Ecouvillon_cutane_808cbb8f98.jpg" alt="Ecouvillon cutané.jpg">En pratique, lorsqu’un patient arrive en réanimation, un médecin ou un infirmier formé aux bonnes pratiques cliniques (BPC) l’informe du projet. S’il ne s’y oppose pas, un infirmier du service passera un écouvillon sur sa peau avant la pose du cathéter, puis à chaque changement de pansement jusqu’au retrait du tube. Au laboratoire de l’hôpital, où l’ingénieure Adria Matoute travaille sur ce projet, l’ADN bactérien de l’échantillon sera extrait et séquencé. «&nbsp;Avec l’ADN, on aura l’ensemble des bactéries du prélèvement. On pourra étudier des variations plus fines, voir si un déséquilibre se produit, si une bactérie devient prédominante au fur et à mesure du temps&nbsp;», explique le Dr Roujansky.&nbsp;<img class="image_resized image-style-align-left" style="width:274px;" src="/uploads/Ecouvillon_cutane_2_a77f8051ce.jpeg" alt="Ecouvillon cutané 2.jpeg">L’inclusion des patients va durer six mois, c’est-à-dire jusqu’en fin d’année. Le Dr Roujansky espère en inclure entre 50 et 100. Le volume de données à analyser sera énorme&nbsp;: un centimètre carré de peau regroupe 100&nbsp;000 bactéries&nbsp;; sur un écouvillon, on en retrouve plusieurs centaines différentes. Elle se donne donc six mois pour les analyser et rédiger ses articles après la fin de la période d’inclusion. «&nbsp;Cela fera une belle cohorte. En fonction du taux d’infection, on pourra envisager des calculs statistiques. Cette étude n’apportera pas tout de suite des réponses pratiques. Elle va dans le sens d’une réflexion globale sur l’impact de nos soins.&nbsp;»&nbsp;&nbsp;

Au service de réanimation du Centre Hospitalier de Cayenne, le taux d’infection est passé en quelques années de 10 à 3,7 infections pour 1&nbsp;000 jours cathéter. «&nbsp;En Métropole, c’est 1 à 3 infections pour 1&nbsp;000 jours cathéter. Nous restons légèrement au-dessus mais il est probable que des facteurs tels l’hygrométrie jouent sur le développement bactérien&nbsp;», avance le Dr Ariane Roujansky.&nbsp;Les infections liées au cathéter touchent tous les patients. Les facteurs de risque sont davantage liés aux conditions techniques de pose du cathéter&nbsp;: pose en urgence ou non, site de pose (artère ou veine fémorale, artère jugulaire ou veine sous-clavière).&nbsp;«&nbsp;Quand il y a des infections liées au cathéter, les études montrent que les patients auront besoin plus longtemps de ventilation mécanique, explique-t-elle. Ça peut entraîner des complications à distance&nbsp;: si la bactérie va se greffer ailleurs, ça peut être embêtant. L’idée est de réfléchir aux mécanismes qui peuvent mener aux infections. Les infections liées au cathéter, ça fait partie de ce qu’on traque et de ce qu’on redoute en réanimation.&nbsp;»