Le Dr Karim Abdelmoumen a publié, en avril 2023, un article sur les leucémies provoquées par ce rétrovirus cousin du VIH. Elles touchent davantage les populations bushinenge, des patients plus jeunes qu’ailleurs dans le monde et les chances de survie sont très faibles pour les formes les plus sévères.

«&nbsp;Le HTLV, durant nos études de médecine, c’est une ligne dans nos cours. Parce qu’il a la réputation d’être un virus indolent (inactif ou qui se propage lentement).&nbsp;» Ces propos, c’est le Dr Karim Abdelmoumen qui les tient. Alors qu’il terminait ses études de médecine à Cayenne, il a rédigé sa thèse d’exercice sur la leucémie – c’est-à-dire le cancer du sang – &nbsp;induite par le virus HTLV-1 en Guyane, sous la direction du Pr Loïc Epelboin. Il s’est appuyé sur les données collectées entre 2009 et 2019. En avril, il a publié un article original sur le sujet dans le Lancet Regional Health.&nbsp;https://doi.org/10.1016/j.lana.2023.100492&nbsp;«&nbsp;Le HTLV-1 est un virus assez fascinant, relate le jeune médecin, qui exerce actuellement à Mayotte. Il vient bousculer notre vision modulaire et sectorisée de la médecine. C’est un rétrovirus, comme le VIH, mais il ne produit pas les mêmes effets. Chez 90 % des personnes infectées, il ne se passera rien. Mais 3 à 8 % des cas vont développer une maladie symptomatique (neurologique, hématologique, auto-immune). Parmi ces maladies, il y a le lymphome/leucémie à cellules T de l’adulte (ATLL) dont le pronostic est effroyable.&nbsp;» Ce cancer est très agressif, évolue très rapidement et entraîne le décès généralement en moins d’un an.&nbsp;On sait, grâce aux travaux du Pr Antoine Gessain https://www.youtube.com/watch?v=R_o_ZXS6b70 (Institut Pasteur), que la Guyane est un territoire particulièrement touché par l’infection par le HTLV-1, comme le Japon, les Caraïbes, l’Amérique latine, l’Australie ou l’Afrique . Ce que rapporte l’article du Dr Abdelmoumen, c’est que les patients souffrant d’ATLL sont principalement des Noir Marron, qu’ils sont plus jeunes que dans d’autres territoires (la moitié avaient moins de 54 ans), que la majorité étaient des femmes (56 %) et que leur survie était plus faible qu’au Japon, par exemple. Sur les 41 patients identifiés entre 2009 et 2019, seul un sur neuf était encore en vie un an après le diagnostic de la maladie.&nbsp;&nbsp;Pourquoi le panorama est-il si sombre en Guyane&nbsp;? Si la population bushinenge est particulièrement touchée, c’est qu’il y a «&nbsp;probablement eu un effet fondateur&nbsp;», explique le Dr Abdelmoumen&nbsp;: «&nbsp;Le virus est très probablement apparu en Afrique à partir d’un ancêtre commun. Les grands mouvements migratoires sont à l’origine de la diffusion du virus HTLV-1 dans le monde. Un groupe, parti pendant l’esclavage, serait arrivé avec le virus dans la région guyanaise. Celui-ci a ensuite évolué et persisté au sein de la communauté pendant plusieurs centaines d’années.&nbsp;» Aujourd’hui, de nombreux patients vivent dans des zones isolées, éloignées du système de santé et découvrent leur maladie très tardivement. Il est alors encore plus difficile de la traiter.&nbsp;«&nbsp;Cette maladie du sang doit être diagnostiquée et prise en charge tôt, conclut le médecin. Il est important de sensibiliser les professionnels de santé à cette maladie, notamment quand un patient à risque présente une altération de son état général, des troubles intestinaux provoqués par l’hypercalcémie, des éruptions cutanées sous forme de tâches, un syndrome tumoral (ganglions). En Guyane, il y a désormais un très bon service d’anatomopathologie pour établir le diagnostic de ce cancer du sang. A Mayotte, quand on fait un prélèvement, il part en Métropole et le résultat arrive au moins quinze jours après. En Guyane, on peut désormais l’avoir en vingt-quatre à quarante-huit heures&nbsp;!&nbsp;» De nouvelles études sur le sujet sont déjà en préparation.&nbsp;Pour lire l’article&nbsp;:&nbsp;https://doi.org/10.1016/j.lana.2023.100492&nbsp;

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En Guyane, le virus HTLV-1 livre quelques secrets

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