Le 10 décembre, le Dr Alice Sanna a soutenu sa thèse de santé publique. Elle a présenté les travaux qu’elle mène depuis quatre ans dans le cadre du projet Curema. Ce programme vise à éliminer le paludisme à Plasmodium vivax chez les garimpeiros, une population mobile, isolée et éloignée du système de santé. Elle explique les difficultés de cette entreprise mais également son retentissement puisque d’autres territoires à travers le monde envisagent de s’en inspirer.

En matière d’élimination du paludisme, on dit souvent que le continent américain en est au dernier kilomètre. Le plus gros du chemin a été parcouru. Au cours de ce premier quart de siècle, le nombre de cas a été divisé par trois (- 64 %) et le nombre de décès par quatre (- 72,5 %). En Guyane, nous sommes passés de 4&nbsp;500 cas en 2005 à 51 en 2022 avant une reprise des infections ces deux dernières années&nbsp;: 340 cas en 2023 et un peu plus de 400 cette année.&nbsp;&nbsp;<figure class="image image_resized" style="width:585px;"><img src="/uploads/Curema_Alice_Sana_dde2b1a0ca.jpg" alt="Curema Alice Sana.jpg"></figure><blockquote>Le Dr Alice Sanna.</blockquote>&nbsp;Dans cette dernière ligne droite, atteindre les dernières personnes touchées se révèle bien plus difficile. En Guyane, la majorité des cas sont recensés chez les garimpeiros, une population isolée, mobile, éloignée du système de santé. C’est pour achever ce dernier kilomètre que le Dr Alice Sanna a élaboré et coordonné la mise en œuvre du projet Curema. Le 10 décembre, elle a soutenu avec succès sa thèse de santé publique sur ce sujet.&nbsp;Curema visait à relever deux défis&nbsp;:<ul><li>Mobiliser les garimpeiros alors que le paludisme n’est plus considéré et perçu comme un sujet de santé prioritaire par les populations concernées</li><li>Traiter les cas à Plasmodium vivax dont les porteurs peuvent faire des rechutes plusieurs années après l’infection. Pour cela, les participants reçoivent le Malakit, c’est-à-dire un kit d’autotest et d’autotraitement contre le paludisme, ainsi qu’un traitement radical contre les rechutes liées à Plasmodium vivax (lire la <a href="https://www.ght-guyane.fr/chc/article/29">Lettre Recherche de juin 2023</a>)&nbsp;;&nbsp;</li></ul>&nbsp;Le travail du Dr Sanna montre que la réflexion sur les interventions en santé des populations ne s’arrête pas au dépôt du protocole ou aux premières inclusions. Elle se poursuit tout du long. «&nbsp;Nous cherchons à évaluer scientifiquement l’intervention à l’échelle de la population, c’est-à-dire à vérifier son impact à l’échelle de la santé collective mais aussi le processus à travers lequel cet impact est (éventuellement) produit, explique le médecin. C’est différent de la recherche purement biomédicale où l’on s’appuie seulement sur des statistiques pour dire si ça a fonctionné ou pas. En recherche interventionnelle en santé des populations, il faut regarder en détails quels mécanismes vont provoquer des changements dans la communauté. C’est une discipline insuffisamment abordée dans la formation des professionnels de la santé publique en France. Nous nous y sommes intéressés en cours d’étude. C’est intéressant de pouvoir aujourd’hui faire notre autocritique.&nbsp;Si je devais recommencer le projet Curema aujourd’hui, je réfléchirais davantage à la théorie de l’intervention&nbsp;; j’aurais consacré davantage de temps au pilote réalisé au Suriname au début de l’étude. D’autres territoires veulent s’inspirer de notre expérience pour l’élimination du Plasmodium vivax, nous avons été pionniers. Nous pourrons leur transmettre énormément d’éléments sur le processus du projet, sur les facteurs qui influencent sa bonne mise en œuvre et son acceptation par la population.&nbsp;»<figure class="image image_resized" style="width:459px;"><img src="/uploads/20220920_124221_84df95cfc2.jpg" alt="20220920_124221.jpg"></figure><blockquote>Une équipe de Curema fait passer un questionnaire à une participante au projet de recherche.</blockquote>&nbsp;Comme nous vous l’avions évoqué dans la <a href="https://www.ght-guyane.fr/chc/article/81">Lettre Recherche de juin</a>, d’autres pays comme le Sénégal souhaitent profiter de l’expérience acquise en Guyane avec Malakit-Curema. Le Dr Sanna, pour sa part, collabore avec le ministère brésilien de la Santé pour une intervention pilote dans deux états amazoniens. Car comme l’a souligné, lors de sa soutenance de thèse, le Pr Marcus Lacerda, spécialiste mondial du paludisme à Plasmodium vivax, «&nbsp;ce projet est sans doute l’un des meilleurs qui soit mené en Amérique latine&nbsp;».&nbsp;&nbsp;

Une équipe de Curema sur une base arrière de l’orpaillage.

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Curema : « Nous avons été pionniers »

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