Les Permanences d’accès aux soins de santé (Pass) sont des dispositifs facilitant l’accès au système de santé et la prise en charge des personnes en situation de précarité. Plusieurs thèses ont étudié les difficultés rencontrées par les patients et l’efficacité du dispositif.

Les Permanences d’accès aux soins de santé (Pass) sont des dispositifs implantés dans les hôpitaux et s’adressant aux personnes en situation de précarité. Elles facilitent l’accès au système de santé et la prise en charge de ces personnes à l’hôpital et les aident dans les démarches nécessaires à l’ouverture de leurs droits à la Sécurité sociale. Les patients sont donc reçus par des médecins, des infirmiers et des travailleurs sociaux.&nbsp;En Guyane, ces dispositifs sont rapidement devenus incontournables. Celle du Centre Hospitalier de Cayenne (CHC) reçoit chaque année entre 5 000 et 6 000 patients différents et voit son activité augmenter de 20 % par an. Celle du Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais (Chog), créée en avril 2020 au début de la pandémie de Covid-19, en a reçu 2 830 l’an dernier, avec une croissance là aussi exponentielle.&nbsp;Pour les équipes des Pass, il devenait important de mieux connaître le public qu’elles reçoivent et de vérifier qu’elles atteignent leur objectif&nbsp;: amener les patients vers le droit commun avec couverture sociale, médecin traitant et prise en charge dans le système de soin de ville, recours à l’hôpital en cas de nécessité. «&nbsp;Les Pass n’ont pas vocation à être des filières spécifiques mais bien des tremplins vers le système de soins&nbsp;», écrivait Sarah Letourneux, dans sa thèse de médecine, en 2022. Elle cherchait alors à savoir si les patients de la Pass de Cayenne souffrant d’hypertension et/ou de diabète avaient poursuivi leurs soins une fois entrés dans le système de soin de droit commun. La réponse était «&nbsp;oui&nbsp;» pour sept patients sur dix.&nbsp;&nbsp;<img class="image_resized image-style-align-left" style="width:351px;" src="/uploads/Le_Dr_Claire_Boceno_cheffe_de_service_de_la_Pass_et_l_equipe_de_la_Pass_de_Soula_a_Macouria_262e20d3cc.jpg" alt="Le Dr Claire Bocéno, cheffe de service de la Pass, et l’équipe de la Pass de Soula, à Macouria.">Mais les résultats sont contrastés selon le type de patients. A Soula (Macouria) et Balata (Matoury), où la Pass du CHC propose des consultations chaque semaine, «&nbsp;50 % des patients sont déjà connus et reviennent parce qu’ils ont eu des problèmes de renouvellement de leurs droits sociaux&nbsp;», regrette le Dr Claire Bocéno, sa cheffe de service.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<blockquote><h4 style="text-align:justify;">Le Dr Claire Bocéno, cheffe de service de la Pass, et l’équipe de la Pass de Soula, à Macouria.</h4></blockquote>&nbsp;Cependant, «&nbsp;une thèse comme celle de Sarah Letourneux peut aboutir à des applications très pratiques, souligne le Dr Bocéno. Elle a dégagé des tendances&nbsp;: les patients non francophones, ceux qui ne parlent qu’une seule langue sont ceux qui ont le moins vu un médecin généraliste après avoir quitté la Pass. Ce sont ceux pour lesquels nous devons préparer la sortie encore plus attentivement. Nous leur préparons un courrier de sortie mais ils ne viennent pas toujours le récupérer, dès lors que leurs droits à la Sécurité sociale sont ouverts. Ils pensent que les informations contenues dans leur dossier de la PASS sont connues des professionnels de ville. Ce sont des points que l’on peut travailler.&nbsp;»&nbsp;A Cayenne, le renforcement de l’équipe et l’accueil d’internes ont permis de creuser certaines problématiques comme la situation sanitaire et social des enfants précaires de l’Île-de-Cayenne (thèse de médecine de Robin Georges en 2023). A Saint-Laurent du Maroni, le Dr Camille Obert-Marbry a également poussé en ce sens. En 2022, elle avait animé la première formation complète en Guyane de maîtres de stage universitaire, pour permettre à des médecins généralistes d’accueillir des internes dans de meilleures conditions.&nbsp;

La succession de travaux de recherche sur les permanences d’accès aux soins de santé (Pass) de Cayenne et Saint-Laurent du Maroni permet de mieux connaître les patients accueillis. Les résultats de différentes approches méthodologiques (quantitatives et qualitatives) convergent pour proposer une amélioration des pratiques de soins, des modalités d’accueil et d’accompagnement des usagers.&nbsp;Le Dr Camille Obert-Marbry, première coordinatrice de celle du Chog, à son lancement en 2020, a étudié les patients diabétiques qu’elle recevait. Ils se révélaient à haut risque cardio-vasculaire et faisaient face à de nombreux freins à l’accès aux soins. Ses travaux ont confirmé l’intérêt que la Pass du Chog organise ses permanences dans les quartiers, au plus près des lieux de vie des patients, puis l’intérêt d’organiser un suivi à domicile de ces patients avec des infirmiers. Ce qui est réalisé désormais par l’équipe mobile d’accompagnement et de soins (Emas).&nbsp;Maïté Kieffer, installée désormais comme médecin libérale à Mana, a étudié les causes de rupture thérapeutique chez les patients précaires atteints de maladie chronique, en 2021. «&nbsp;Ce travail nous a fourni un bon état des lieux, un bon éclairage sur les freins que rencontrent les patients de la Pass&nbsp;», souligne le Dr Alexandra Mvogo. Qu’est-ce qui a amené des patients hypertendus et précaires à interrompre leur traitement&nbsp;? La complexité des démarches administratives nécessaires à l’obtention d’une couverture sociale, des difficultés financières, l’éloignement géographique, des problèmes de transport. Les effets indésirables du traitement n’arrivent qu’après.&nbsp;Un an plus tard, Eva Tireau s’est intéressée au devenir des patients de la Pass de Saint-Laurent du Maroni atteints de pathologie chronique et orientés vers la médecine libérale. Sur les 14 interrogés, un seul n’avait pas poursuivi sa prise en charge dans le droit commun. «&nbsp;La période de prise en charge via le service de la Pass est donc un véritable moment charnière pour les patients&nbsp;: d’une part, ils renforcent ou acquièrent des savoirs et par cela une conscience de leur pathologie chronique, ayant pour effet l’expression d’un désir de soins et de suivi rapproché. D’autre part, ils développent une priorisation de leur santé, exprimant de fortes attentes, tant techniques que relationnelles.&nbsp;»&nbsp;Le travail de Sarah Letourneux est assez proche, mais à Cayenne. Elle a cherché à savoir si les patients de la Pass atteints d’hypertension ou de diabète avaient maintenu leurs soins une fois entrés dans le système de droit commun. Quatre sur cinq avaient effectivement vu un médecin généraliste après leur sortie de la Pass et 70 % étaient parfaitement intégrés dans le système de droit commun. Il apparaît que les patients les mieux intégrés sont les francophones, parlant plusieurs langues, en affection longue durée, ayant déjà eu des droits ouverts, connaissant déjà un médecin généraliste… Ce qui dresse en miroir un portrait de ceux ayant le plus besoin d’accompagnement au moment de quitter la Pass.&nbsp;Robin Georges s’est plus particulièrement penché sur la santé et la situation sociale des enfants précaires de Cayenne. La moitié des 181 enfants inclus dans son étude n’avaient bénéficié d’aucun suivi médical au cours des douze derniers mois. Leurs principales pathologies étaient cutanées, ORL et digestives&nbsp;; il leur manquait certains vaccins et près d’un sur quatre (23 %) n’était pas scolarisé. Leur couverture sociale était faible, y compris chez ceux nés en Guyane.&nbsp;Johanna Laburthe a voulu savoir si les patients nécessitaient de soins de kinésithérapie, dans le cadre de ses études pour devenir masseure-kinésithérapeute. Sur 1 038 réponses à Cayenne et Saint-Laurent du Maroni, environ un patient sur cinq en avait besoin, majoritairement pour des pathologies musculosquelettiques comme les lombalgies.&nbsp;Enfin, Emmanuel Bekolo a demandé à des patients s’ils étaient satisfaits de la Pass de Saint-Laurent du Maroni. La réponse est très largement «&nbsp;oui&nbsp;», avec quelques points forts&nbsp;: la prise en charge médicale, la confidentialité, la fréquence des vacations. Les quelques limites soulignées ont trait à la durée d’attente, à la mauvaise compréhension du système de santé et aux délais pour l’ouverture des droits&nbsp;: autant de points d’amélioration identifiés et sources d’idées pour la suite&nbsp;!&nbsp;

A l’hôpital de Cayenne, la recherche s’est longtemps concentrée sur les maladies infectieuses et la dermatologie. Aujourd’hui, les sciences sociales et la recherche sur les inégalités de santé sont un des axes de travail majeurs du centre d’investigation clinique CIC Inserm 1424. La permanence d’accès aux soins de santé (Pass) se retrouve de plus en plus &nbsp;impliquée dans des projets de recherche.&nbsp;Elle a participé à la formation des médiateurs-enquêteurs du <a href="https://www.ght-guyane.fr/chc/article/37">projet Dépiprec</a>. «&nbsp;Quand une hypertension est dépistée chez des personnes qui n’ont pas de droits ouverts, c’est vers nous qu’elles sont orientées, souligne le Dr Claire Bocéno. Nous sommes également en appui pour accompagner les orientations des médiateurs-enquêteurs, car ils ont face à eux une population que nous connaissons bien.&nbsp;»&nbsp;En 2020 et 2021, la Pass a également inclus des patients pour une <a href="https://www.ght-guyane.fr/chc/article/44">étude sur la gale</a> menée par le Dr Romain Blaizot, dermatologue au CHC. La Pass a également participé au <a href="https://www.ght-guyane.fr/chc/article/47">projet de recherche Parcours d’Haïti</a> qui vise à mieux comprendre le parcours des personnes migrantes pour mieux prendre en charge leur santé.&nbsp; D’autres projets de thèse émergent. L’une sur la médiation en santé au CHC sera soutenue prochainement.

Vendredi 22 mars, pour la première fois des patients suivis par la Pass du Chog ont participé à des ateliers directement inspirés par les recherches des internes. Au programme&nbsp;: comment renouveler ses droits à la Sécurité sociale, le rôle du médecin traitant, l’organisation des soins en France, comment lire son ordonnance, l’utilisation des bons de transport… «&nbsp;Le but est de les accueillir par groupe de cinq ou six volontaires, sur six séances d’une heure et demie, en vérifiant leurs connaissances au début et à la fin de la formation&nbsp;», explique le Dr Alexandra Mvogo.&nbsp;Ce n’est pas la seule traduction pratique des thèses rédigées par les internes. Les problèmes de transport sont apparus comme l’un des freins majeurs à l’accès aux soins. «&nbsp;Désormais à Saint Laurent, lorsqu’un patient sans couverture sociale, vu par la Pass, a besoin de voir un professionnel de santé mais ne peut pas, l’équipe mobile d’accompagnement et de soins organise le transport avec les ambulanciers de l’hôpital.&nbsp;»<figure class="image image_resized" style="width:556px;"><img src="/uploads/Le_premier_atelier_de_la_Pass_du_Chog_e86d30897e.jpg" alt="Le premier atelier de la Pass du Chog"></figure><blockquote><h4 style="text-align:justify;">Le premier atelier de la Pass du Chog</h4></blockquote>